Kabila-Bemba : Et que fait-on des victimes ?
Le 20, 21 et 22 août 2006 sont désormais des dates que les kinois (et congolais en général) n’oublieront pas de sitôt. En effet, la garde présidentielle (gssp) du président Kabila et la garde du Vice-président Bemba se sont affrontés dans la capitale congolaise sous le nez de la communauté internationale (Monuc et Eufor). Une enquête indépendante devrait être mise sur pied pour évaluer les dégâts et établir les responsabilités...
Au lendemain du 31 juillet 2006, les commentaires fusent de partout, la population de la République Démocratique du Congo (RDC) s’est rendue aux urnes pour élire son président et ses députés. Chacun y va du sien, le peuple congolais s’est montré "discipliné", "mature", "responsable"....
C’est vrai que l’on craignait le pire ! Mais il y eut plus de peur que de mal. Le peuple congolais a démontré, en ce jour mémorable du 31 juillet 2006, qu’il tenait à ce qu’un nouvel ordre politique issu des urnes voit le jour en RDC.
Après 3 décennies de dictature du feu Président Mobutu, une longue transition de plus de quinze ans (la transition a commencé en 1990, après le fameux discours du 24 avril 1990 de Mobutu ouvrant la porte au multipartisme), le régime de 1+4 (entendez un président et quatre vice-président), il était effectivement temps que l’on passe à autre chose.
Et tout le monde croyait que l’on y était arrivé ! Mais au soir du jour prévu pour la proclamation des résultats de la présidentielle, des armes crépitent en ville. La tension est perceptible à Kinshasa. On est le dimanche 20 août 2006. Il y a deux favoris, le président sortant Joseph Kabila qui a raflé la majorité des voix à l’Est du pays et le Vice-président Jean-Pierre Bemba qui est, au vu des chiffres publiés jusque là par la Commission Electorale Indépendante (CEI), le candidat de l’ouest et est particulièrement adulé dans la capitale où il a drainé une foule immense lors de son dernier meeting de campagne(le 28 juillet 2006).
A Kinshasa comme ailleurs dans le pays, l’on s’attend à ce que le président Kabila soit déclaré le vainqueur de la course. Mais les attentes des uns et des autres reposent sur des socles différents. Effectivement, si à l’Est du pays la population est confiante et sûre que Kabila gagnera de bonne guerre (malgré les accusations à la tricherie que ne cesse de lancer le Vice-président Azarias Ruberwa à son endroit), la majeure partie des habitants de l’ouest est sûre que si Kabila est proclamé vainqueur ce sera suite à la fraude qui a émaillé les scrutins.
Lorsque les balles commencent à crépiter avant la proclamation des résultats, chacun retient son souffle et croise les doigts pour que le pays ne retombe pas dans la guerre. La Force européenne (Eufor), venue épauler la mission onusienne (Monuc) pour la sécurisation des élections en RDC, lance des appels au calme vers la population par le biais de la radio onusienne (radio Okapi) et demande à tout le monde de quitter le centre ville et de rentrer chez soi.
Les minutes s’egrennent et tout le monde scotché qui à son poste de radio, qui à son écran de télévision attend avec impatience le moment où l’abbé Appolinaire Malu Malu, président de la CEI, viendra fixer l’opinion sur les résultats de la présidentielle. Ce moment arrive ! Et soulagement pour tous (sauf peut-être pour le camp de Joseph Kabila!), il y aura un second tour qui opposera Joseph Kabila (44,81% des voix) et Jean-Pierre Bemba (20,03% des voix). Ce second tour est prévu pour le 29 octobre 2006.
Soulagement, ai-je dit ? La matinée du lundi 21 août a comme de l’électricité dans l’air. Des sources proches de la Monuc, l’on apprend que le Représentant de cette mission, Mr Swing, aurait essuyé des tirs au sortir d’une rencontre qu’il avait eu la veille au soir avec le Vice-président Bemba. Il n’aurait eu la vie sauve qu’à sa voiture blindée.
Vers 15h00, alors qu’il est en compagnie des ambassadeurs des membres du CIAT (Comité International d’Accompagnement de la Transition), dont ceux des États-Unis d’Amérique, de Grande-Bretagne, de France et de Belgique ainsi que le chef de la Monuc, Jean-Pierre Bemba échappe à un bombardement de sa résidence par la Garde présidentielle de Kabila. Les participants à la réunion se réfugient dans les caves de la résidence, jusqu’à ce qu’un détachement dede l’Eufor évacue les personnalités assiégées.
D’autres affrontements se déroulent en divers autres endroits de la ville. Plus tard dans la journée, une dizaine de blindés et 150 soldats de l’Eufor se déploient en des endroits stratégiques de la ville. Une autre résidence de Jean-Pierre Bemba sera également l’objet d’une attaque aux environs du boulevard du 30 juin.
Le matin du 22 août, les troupes présidentielles prennent position à l’aéroport de N’djili et la résidence de Jean-Pierre Bemba fait l’objet de nouveaux tirs à l’arme lourde dans le courant de la matinée. Des véhicules de la Monuc ont pris position autour de celle-ci.
Le calme est revenu dans la ville aux environs de midi, et un accord est intervenu entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba visant au rétablissement de la situation prévalant au 20 août. La Monuc accupe désormais les principales artères de Gombe, dont le boulevard du 30 juin. Des patrouilles mixtes Monuc / Eufor / Police nationale congolaise / forces de Kabila et de Bemba sont prévues pour faire respecter l’accord.
Les affrontements de ces trois jours auraient fait au total 23 morts et 43 blessés selon le Ministre de l’Intérieur Théophile Mbemba Fundu, essentiellement à Gombe, et notamment dans les environs du boulevard du 30 juin.
Des sources proches des principaux hopitaux de la capitale (Clinique Ngaliema, Clinique Kinoise, Hôpital Général...), on parle de plus d’une centaine de morts et beaucoup plus dans les rangs de la garde de Kabila. Ces morts auraient été ramassés sur la chaussée et entérrés dans le plus grand secret.
Une mini enquête avait été mise sur pied comprenant les représentants des deux protagonistes et la communauté internationale. Les résultats de cette enquête n’a pas encore été rendue publique. Une autre enquête plus large devrait aussi voir le jour mais l’on attend encore. Depuis la poignée de main des deux adversaires le 13 septembre dernier, les enquêtes sur les affrontements de leurs gardes respectifs ne sont plus à l’ordre du jour. Raison avancée ? Decrisper la tension.
En attendant, ces enquêtes rejoignent la longue liste des enquêtes congolaises ouvertes et non élucidées... des crimes impunis. Pour les familles des morts, victimes d’un affrontement dont on ne comprend pas les causes (vu que les deux adversaires sont tous retenus pour le deuxième tour), il faudrait établir les responsabilités !
Kingli